À l'époque de la Culture, l'Enfer existe. Mais il est désormais virtuel, prenant la forme de vastes mondes artificiels dans lesquels les citoyens de certaines civilisations s'y retrouvent, par le biais de sauvegardes numériques, après leur mort. Pas tous, bien sûr. Seulement celles et ceux qui ont, aux yeux de leur civilisation, des choses à se reprocher, vivent une éternité de souffrance et de tortures aussi bien physiques que mentales. Mais dans le foisonnement galactique, l'existence des Enfers n'est pas du goût de tout le monde. Ce qui a déclenché une guerre. Virtuelle, elle aussi.
Neuvième et avant-dernier tome du cycle de la Culture, voici encore un long et savoureux roman de Iain M. Banks.
Dès les premières pages, l'auteur opte pour l'alternance de plusieurs récits parallèles, chacun se focalisant sur un personnage.
Il y a Veppers, l'homme le plus riche et le plus influant sur la planète Sichult. Mais aussi Lededje Y'breq, esclave et faisant partie du "harem" de Veppers, tuée par ce dernier alors qu'elle tente de s'échapper. Sauvegardée par un Mental de la Culture, elle revient à la vie avec une idée fixe : se venger de son assassin. Elle doit donc regagner Sichult, avec l'aide d'un vaisseau plutôt original.
Yime Nsokyi, membre de la Culture et du service Quiétudinal de Contact - usuellement appelé Quietus, s'occupant des morts, bien plus nombreux que les vivants - s'intéresse de près au "cas" Lededje et traverse elle aussi la galaxie en direction de Sichult.
D'autres récits, évoluant pour la plupart dans la même trame temporelle, nous présentent des personnages qui, à première vue, n'ont pas de lien avec ceux que je viens d'évoquer. Il y a Vatueil, énigmatique militaire engagé dans la guerre qui oppose les "pros" et les "antis" Enfers. Ainsi que Prin et Chay, qui se sont infiltrés dans un des Enfers dans le but de dénoncer sa barbarie.
Si on peut parfois s'y perdre, surtout dans la première moitié du roman, il ne fait aucun doute que tous ces destins vont fatalement finir par se croiser. Et on devine également que cela se passera du côté de Sichult. Car de la même façon, on s'imagine bien que le conflit qui fait rage autour des Enfers risque de ne pas rester virtuel. Qui dit conflit dit guerre. Qui dit guerre dans le monde de Banks dit "Space Opera". L'auteur a dépoussiéré le genre et cette fois, on est particulièrement gâtés avec de la bonne grosse bataille spatiale avec intervention des vaisseaux de la Culture. C'est énorme.
Côté virtuel, Banks nous livre une description saisissante de ce que sont ces fameux Enfers, dans la partie du récit qui met en scène Prin et Chay. Leur histoire n'est pas directement liée à la trame principale, mais participe grandement à mettre en place l'ambiance du roman. C'est poignant et souvent abominable, mais nécessaire.
Comme toujours dans ce cycle, les Mentaux - les intelligences artificielles - ont une importance capitale et ceux qui font office de personnages principaux du roman sont particulièrement réussis. Avec une mention spéciale pour Demeisen, le Mental du vaisseau de combat "En dehors des contraintes morales habituelles". Une IA anticonformiste et franchement déjantée qui contrôle un redoutable vaisseau de guerre ? Pas de problème, c'est la Culture !
Un deuxième personnage m'a particulièrement intéressé : Joiler Veppers, qui tient un peu le rôle du méchant de service. Il est riche, odieux et sans scrupule. Une véritable crapule et un vrai régal pour le lecteur.
Au bout du compte, ce roman reste un Banks plutôt classique dans le cycle de la Culture et c'est tant mieux : c'est toujours diablement intelligent, parfois cru, souvent drôle et franchement cynique.
Le meilleur du cycle ? Sûrement pas. Un peu long et touffu ? Peut-être. Mais quelles que soient les circonstances, même spéciales, il serait bien dommage de louper cet excellent bouquin. Je me suis, une fois de plus, régalé.
Si vous n'avez encore lu aucun roman du cycle de la Culture, je vous conseille de jeter un oeil à mon billet de blog consacré au roman "Trames".
"Les Enfers virtuels" est publié en France en deux tomes chez Robert Laffont, dans la collection Ailleurs et Demain. Il est disponible en éditions papier et électronique.